Opinions et Actes 6

    Grâce à notre prestige nous pûmes même rendre service à des bibliothèques du dehors. Nous recueillîmes et hébergeâmes la bibliothèque du Ministère de la Marine, chassée par les Allemands. Nous hébergeâmes aussi les admirables « Portulans » du Service Hydrographique que M. l’Ambassadeur Kammerer nous fit confier, les jugeant en danger. Nous fîmes de même pour les fonds anciens de celle du Sénat. Mais c’est surtout au Ministère de la Guerre que nous eûmes la joie d’être utiles. Ses bibliothèques et archives de la zone nord, abandonnées par leur personnel en juin 1940, furent confiées par le Gouvernement Français à la gérance et à la protection de la Bibliothèque Nationale (automne 1940). Après des démarches assez délicates, les autorités militaires allemandes acceptèrent cet arrangement. Nous pûmes donc récupérer les livres rares de la bibliothèque du Ministère de la Guerre, déposés en 1939 dans la crypte de l’Ecole Militaire, où ils étaient encore à pourrir dans l’hiver 1940-41. Grâce à notre atelier de reliure, nous procédâmes à leur réparation, les sauvant ainsi. La bibliothèque du Ministère de la Guerre, celle de la Direction du Génie, celle de la Direction de l’Artillerie, placées sous notre égide, furent par nous entretenues, alors qu’elles étaient en fort mauvais état et grandement menacées. Grâce à nous elles furent respectées dans l’ensemble. Si nous ne pûmes empêcher quelques prélèvements rue Saint Dominique, nous eûmes la satisfaction de sauver l’ensemble intégral des autres collections, y compris des livres confisqués en Allemagne par les autorités militaires françaises en 1918-20. Ils étaient cachés à Saint-Thomas d’Aquin. Je les fis transférer chez M. O. de Prat, où ils restèrent durant toute l’occupation sans que les Allemands les repèrent.

    Chargés par le Ministère de la Guerre de sauver ce que l’on pouvait des archives laissées aux Invalides après la fuite des services et le pillage par les Allemands, nous fûmes assez heureux pour récupérer et dissimuler aux Allemands certaines séries confidentielles qu’ils avaient négligées dans leur hâte. Les deux plus importantes (mobilisation de 1939, correspondance avec nos alliés d’Europe Centrale de 1917 à 1938 pour leur armement et ravitaillement) se trouvaient encore en fin août 1944 là où nous les avions cachées. Je dois rendre hommage ici au patriotisme et à l’adresse de trois de mes collaborateurs, qui réalisèrent cette opération sous ma direction: M. Deulin, M. d’Espezel, M. O. de Prat.

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